LE LETTRISME

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L' ARCHITECTURE

 

 

L'architecture, proposée et défendue par le groupe lettriste d'avant-garde, trouve son point de départ et sa justification théorique dans le Manifeste pour le bouleversement de l'architecture qu'Isidore Isou faisait paraître en 1968.

En opposition aux définitions antérieures, vagues et dialectiques, l'architecture était définie comme l'art de l'habitation ou la forme plastique de l'édifice. Elle était démontrée comme composée d'une dimension mécanique, constituée de l'outillage et de l'équipement spécifiques de la construction, d'une dimension des éléments ou de ses matières formelles essentielles, d'une dimension associative, représentée par les manières d'organisation de ces éléments, et enfin, d'une dimension thématique prenant en compte les visions fonctionnelles ou idéologiques du bâtiment.

Sur ces bases, le manifeste mettait en évidence les étapes représentatives de l'histoire passée de la construction, des pyramides jusqu'à Le Corbusier, qui s'avéraient fondées sur des finalités sociales constituant le stade amplique de l'évolution de cet art.

 

En séparant les formes architectoniques des buts extérieurs, l'architecture ciselante inscrit cet art dans une rupture analogue à celle effectuée dans la poésie par Baudelaire. Au cours de cette période, la construction se concentre sur ses éléments fondamentaux – la pièce, puis la brique – qu'elle va envisager au cours de phases successives, en des structures denses et hermétiques, comme des expressions autonomes, travaillées en elles-mêmes et disloquées par rapport à l'ensemble de l'édifice.

Cette période de purification trouve son aboutissement dans la polythanasie de l'architecture ou l'anti-architecture, qui représente le système de toutes les destructions possibles de la construction, et dans le polyautomatisme architectural qui lui dévoile ses réalisations déréglées, irrationnelles.

 

Avec l'architecture hypergraphique, les formes de l'édifice dépassent les acquis premiers, figuratifs et géométriques, pour devenir des signes dépendant de l'ensemble des caractères culturels ou pratiques, phonétiques, lexiques et idéographiques, acquis ou inventés, envisagés, en fonction de la totalité des cadences constructives et destructives, à travers l'intégralité des substances acquises ou inédites offertes par la méca-esthétique intégrale.

 

L'architecture infinitésimale ou esthapéïriste est composée de constructions ou d'éléments de constructions visibles ou non, dépourvus de tout sens réel et admis autant qu'ils permettent d'imaginer d'autres éléments inexistants ou possibles. En complément de cette forme inédite, l'architecture supertemporelle considère tout cadre comme un support ouvert aux utilisateurs pour qu'ils puissent, eux-mêmes, constituer des élévations, les détruire et les recommencer, dans un souci permanent de dépassement du temps.

 

En 1991, Isidore Isou créait l'excoordisme (ou téïsynisme), qui se voulait un dépassement de l'art infinitésimal. En appliquant son système inédit dans le domaine architectural, dans son Manifeste pour la rénovation de l'architecture (1992), il proposera cet art basé sur les extensions et coordinations : des infiniment petits, grâce au fragmentarisme, qui permettra d'avancer vers les infra-particules de l'architecture, en partant de bribes de brique ou de carrelage ; des infiniment grands, qui tendront vers des dimensions cosmiques du domaine de l'habitation.

  « L'esthapéïrisme du domaine du bâtiment devient un simple tremplin, pour le para-esthapéïrisme, l'au-delà de l'imaginaire, l'inimaginable, divers et varié, dans ses contenants et ses contenus ».

 

Roland SABATIER et Hugo BERNARD

 

 

Sélection bibliographique d'Isidore Isou :

 

Manifeste pour le bouleversement de l'architecture. La redéfinition, le reclassement du passé, l'enrichissement par le ciselant, l'hypergraphie, l'esthapéïrisme et le supertemporel de l'architecture(CRL n° 16, 1968).

Le Bouleversement de l’architecture (Éd. Sabatier/Satié, 1979)